Contexte historique et théologique des apparitions de Medjugorje

Dr. P. Tomislav Pervan, ofm, 1995

ES DÉBUTS ET LE CONTEXTE HISTORIQUE

Le problème du sens de l’histoire, selon certains, serait précisément de savoir si l’homme savait, s’il se rendait compte, s’il lui a été donné de découvrir la vérité sur lui-même, tant que l’histoire était encore en cours ? Plus précisément : l’histoire qui manifeste tant de signes de hasard, tant d’irrationalité, révèle-t-elle malgré tout une nécessité qui donnerait une sorte de justification à tout ce qui s’est déroulé dans le passé ? Est-il possible d’écrire l’histoire en l’observant dans l’immédiat, est-il possible d’en pénétrer le fond en prenant une distance par rapport à l’actualité, pour lui donner une signification et en tirer un sens pour l’avenir ?

Cette question fondamentale concerne également Medjugorje et ces événements qui se déploient parmi nous depuis quatorze ans. Le phénomène en lui-même est complexe au point de ne pas se laisser saisir dans toute sa portée et avec toutes ses composantes. Et pourtant, Medjugorje, qui a depuis longtemps dépassé ses frontières étroites, tient son Sitz im Leben théologique et historique dans le monde actuel et dans l’Église contemporaine. Medjugorje est inscrit de manière indélébile sur la carte religieuse du monde, principalement du monde de l’Église catholique. Depuis quatorze ans, on a beaucoup parlé et écrit à propos de sa signification et de son importance, et souligné à quel point notre temps en avait besoin. Il me semble inutile d’être son apologiste et son avocat, car Medjugorje est assez fort en soi pour plaider en sa propre faveur, se défendre et se maintenir devant les tribunaux les plus sévères de l’Église, de la théologie, de l’histoire et du monde. Il suffit de regarder en dessous de la surface pour voir, pour se rendre compte du bouleversement tectonique survenu dans l’Église et dans le monde avec l’avènement de Medjugorje.

Clémenceau, homme politique et agnostique français, disait que la guerre était beaucoup trop importante pour être laissée entre les mains de généraux et de soldats. Il en va de même avec Medjugorje, réalité trop complexe pour être laissée uniquement entre les mains des commissions, livrée uniquement au discernement et au jugement des théologiens et des commissions ; qui l’ont approché avec nous savons quelles prémisses. Il est impossible de livrer Medjugorje à ceux qui prennent leurs décisions autour d’une table, aux théologiens oisifs et à ceux qui n’ont jamais fait l’effort de comprendre la signification de ce phénomène, la portée de ces événements et l’essence du message.

Il est difficile de donner une définition de Medjugorje. Le phénomène est complexe et implique les appréciations et les évaluations de nombreux experts de divers domaines de la pensée et de la science. Quelles que soient nos opinions et nos convictions personnelles à ce sujet, nous devons reconnaître, bon gré – mal gré, qu’il s’agit là du phénomène religieux le plus évident qui se soit produit sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, de l’Europe et même du monde au cours de la dernière décennie, des deux dernières décennies même de notre siècle et de notre millénaire. S’il était possible de rassembler avec un immense aimant tous les éléments semés dans les âmes et les cœurs d’innombrables personnes et dispersés sur le globe, nous en serions impressionnés, tant le résultat serait invraisemblable. Nous serions surpris de savoir à quel point Medjugorje est présent dans les consciences et dans les vies des croyants et des incroyants. Quels en ont été les débuts ?

Si licet exemplis in parvis grandibus uti, s’il est permis de se servir de grands exemples pour exposer ce qui est petit, ou bien, si licet parvis componere magna, comparer ce qui est grand à ce qui est petit, je commencerai avec un exemple néotestamentaire : « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » se demande Nathanaël plein d’étonnement, posant la question à Philippe (Jn 1,46). Nazareth, petit village de province où l’on parlait mal, où l’on ne parlait que le patois, exactement comme à Bijakovići et à Medjugorje. Province, village, provinciaux, paysans en conflit, voyants de la même trempe, descendants de personnes quasiment analphabètes. Sans diplômes et sans instruction, à un moment de leur histoire personnelle ils ont été arrachés à leur routine et ont commencé à utiliser un langage et une langue qui appartiennent à un monde qui n’est pas le leur, ont commencé à parler de quelque chose de l’au-delà et non d’ici-bas. Ces petits et ces inconnus ont rempli les oreilles du monde d’un message et d’affirmations qui ont fait trembler le pouvoir alors en place, qui a cherché, coûte que coûte, à étouffer la nouvelle dans l’œuf. Bijakovići et Medjugorje ont beau être deux villages brouillés dans une Herzégovine inconnue : à partir de cet instant, ils sont inscrits sur la carte du monde. L’expansion est comparable à celle décrite dans les Actes des Apôtres : « de Jérusalem, la Judée et la Samarie jusqu’au bout du monde ». Nous pouvons constater ces mêmes cercles concentriques dans le phénomène de Bijakovići – Medjugorje.

LES PARALLÈLES DANS L’HISTOIRE DU SALUT

L’histoire et l’Écriture Sainte peuvent nous servir de maîtres et de guides en toute circonstance et dans toutes nos réflexions. Ils nous offrent suffisamment de matière de réflexion, surtout dans le contexte de Medjugorje et du retournement historique que signifiait la chute du communisme en ces deux dernières décennies du siècle et du millénaire. Le communisme s’est écroulé tout seul, il n’était pas nécessaire de l’affronter par la force des armes. Pourquoi en a-t-il été ainsi ? Les raisons en sont nombreuses. Tout d’abord, les idéologues et les leaders eux-mêmes ne croyaient plus à leurs idées de création d’un avenir meilleur et d’un lendemain plus heureux, fondés sur les principes économiques ou sur un plus grand produit national brut. Ensuite, il était devenu impossible de maintenir le monde sous la terreur de la force de répression et d’oppression de la pensée, de l’expression et de la décision. Je comparerais la chute du communisme à la chute de Jéricho décrite dans le Livre de Josué : souvenons-nous de l’entrée des Hébreux en Terre Promise et de l’écroulement des murs de Jéricho. La Bible interprète l’événement par une intervention directe de Dieu dans l’histoire du peuple élu. Les murs ne se sont pas effondrés à cause de la force humaine, mais grâce à la prière, aux chants et aux processions, qui signifient l’action directe de Dieu qui conduit et oriente l’histoire. C’est le signe que Dieu lui-même donne la terre à son peuple venu de l’étranger, du désert, après des dizaines d’années d’errance dans les régions arides. Les murs ne sont pas tombés à cause de la puissance militaire ou de la puissance tout court, mais à cause des cantiques, des processions diurnes et nocturnes avec l’Arche d’Alliance autour d’eux. Le triomphe et la victoire se résument à ce seul instant qui devrait être pour toujours et pour tout le peuple le signe qu’il ne doit pas se fier à lui-même mais compter sur Dieu qui fait tomber les forteresses. Cet événement est très vite tombé dans l’oubli à cause de la déchéance morale, du péché, des trahisons individuelles et collectives à l’intérieur du peuple. La vie dans le nouveau contexte continue à être menacée par toutes sortes d’agressions et de violences, mais c’est la déchéance interne au peuple qui permettait aux agresseurs de le conquérir et de se le soumettre plus facilement. Souvenons-nous de ce qui s’est passé avec Jéricho et de la malédiction prononcée par Josué : « Maudit soit, devant Yahvé, l’homme qui se lèvera pour rebâtir cette ville ! Il la fondera sur son aîné, et en posera les portes sur son cadet ! » (Jos 6,26). Dans le Premier Livre des Rois (16,34) il est dit : « De son temps, Hiel de Béthel rebâtit Jéricho ; au prix de son premier-né Abiram il en établit le fondement et au prix de son dernier-né Segub il en posa les portes, selon la parole que Yahvé avait dite par le ministère de Josué, fils de Nûn. »

L’image d’un tissu tramé d’accomplissement et de responsabilité (sous la menace d’une punition clairement exprimée), composé d’ordres et de dons de la grâce, s’impose involontairement lorsque nous observons les processus politiques, les bouillonnements et la chute du communisme dans l’histoire la plus récente. Certains yeux et certaines oreilles considéreront comme inopportun l’exemple des murs de Jéricho, des trompettes et des processions autour des murailles. Nos contemporains, éclairés ou se considérant comme tels, n’y croient plus depuis longtemps : nous sommes néanmoins témoins d’un processus semblable qui s’est déroulé parmi nous. Ce qui s’est passé avec le choix d’un cardinal polonais pour Pape, et ce qui s’est déroulé après Medjugorje – donc la chute du communisme en 1989 – n’a pas encore été suffisamment élucidé est reste sans explication du point de vue de la théologie de l’histoire, peut-être parce que la chute du communisme s’est passée il y a six ans à peine. Quoi qu’il en soit, c’est sans doute le retournement le plus décisif dans l’histoire du monde et de la civilisation. L’initiateur du processus de la chute du communisme est sans aucun doute le Pape : il a été le premier à percer le rideau de fer, d’abord à l’intérieur de son peuple polonais, puis en posant des signes clairs en faveur d’une vie plus humaine et plus libre. L’année 1989 est une date historique devant laquelle on ne peut que tomber à genoux, admirer et dire librement : Dieu ne s’exprime pas seulement par des mots : il est à l’œuvre. Selon Jésus, il faut clairement lire « les signes des temps ».

Nous prendrons ici l’exemple du Pape actuel, seule autorité morale contemporaine reconnue par toute l’humanité. Il est le pasteur de toute l’humanité ; conscient de la mission qui lui a été confiée par Jésus Christ et de la force qui le soutient, il s’offre à elle comme guide. C’est un Pape explicitement marial qui a dit après son élection : « J’appréhendais cette élection, mais je l’ai acceptée dans l’obéissance à notre Seigneur Jésus Christ et avec pleine confiance en notre Très Sainte Maîtresse… C’est ainsi que je me tiens aujourd’hui devant vous, confessant notre foi commune, notre espérance et notre confiance en la Mère du Christ et la Mère de l’Église. » Lorsque l’histoire de l’Europe et du monde contemporain, l’histoire du communisme mondial et de sa chute, de sa débâcle et de son implosion sera écrite, le Pape actuel y aura sans doute une place unique, honorable et historique. Qui ne se souviendrait des images impressionnantes où l’on reconnaît si bien la confiance du Pape, son assurance, sa résolution, sa supériorité aux leaders et aux « pointures » contemporains, surtout communistes. Si l’on cherche une image fortement significative de la chute du communisme, de l’idéal marxiste et de la fragilité générale de ce système, ce serait une photo du Pape actuel, une photo qui a fait le tour du monde, prise à l’occasion de sa visite dans sa patrie - la Pologne - après avoir été élu successeur de Pierre. La dictature militaire règne en Pologne. Sur le podium, devant une foule d’environ un million de personnes, apparaissent le Pape Wojtyla et le leader de la junte militaire, le général Jaruzelski. L’un représente la force et la puissance militaire, la force des armes, la terreur, la violence, le système de représailles, le communisme athée, mais ce qui lui manque, c’est le soutien du peuple. L’autre sur le podium, fragile, représente Jésus Christ, l’éternité, la Parole de Dieu et la promesse. La force et les armes face à la Parole de Dieu et à l’éternité. Le puissant général dont la force repose sur des pieds d’argile, face au Pape qui parle avec puissance et une force de conviction que seul l’Esprit Saint peut donner. Il parle sans trembler, alors que le général Jaruzelski, lorsqu’il prend ses notes dans les mains, tremble, ses paroles se perdent ou s’arrêtent dans sa gorge, il a peur. En réaction aux paroles du Pape, ses mains tremblent, une sueur froide le saisit. Autrefois, le dictateur Staline demandait ironiquement combien ce Pape de Rome avait de divisions, alors que Jaruzelski n’osait même pas y penser, car il était conscient de la puissance que cet homme représentait au yeux du peuple : il savait que toute la Pologne et le monde entier étaient derrière lui. Il savait ce que représentait une dictature militaire, et il avait de quoi avoir peur, car l’histoire du monde prenait un tournant autre que le communisme. Un Pape porte en lui la force originelle de la foi chrétienne, de cette foi qui vit et qui est annoncée simplement, d’une manière compréhensible, sans apologétique inutile, la foi d’un témoignage simple après lequel languit le monde moderne.

L’élection du Pape actuel, puis les apparitions et les événements de Medjugorje, et finalement l’effondrement du communisme représentent sans doute la plus profonde rupture dans toute l’histoire de l’Europe, et non seulement en ce qui concerne le peuple croate et tous les peuples assujettis à la terreur communiste, mais aussi en ce qui concerne la fin de la guerre froide et de l’affrontement Est-Ouest. Ce qui devrait nous surprendre davantage encore, c’est le fait que ce processus et cette réalité aient été un événement révolutionnaire accompli sans protagoniste explicite, sans personnalité historique marquante, sans programme précis, sans stratégie et, encore plus remarquable et sans précédent dans l’histoire de l’humanité, sans effusion de sang (faisant, bien évidemment, abstraction de cette guerre génocidaire qui se déroule sur les territoires d’ex-Yougoslavie). L’historien en est frappé et reste étonné, sans être en mesure d’en donner les raisons et les causes suffisantes : ou bien il sera obligé de renoncer aux liens de cause à effet, ou bien il acceptera l’idée et se familiarisera avec la possibilité que – en ce moment historique – nous sommes confrontés à une telle intervention personnelle de Dieu dans l’histoire. Il est douloureux de se rendre compte que cette sensibilité nous fait défaut et que nous ne rendons pas grâce à Dieu pour ce qu’il fait. Ceci n’est pas encore venu à notre esprit, et nous n’avons pas compris les profondeurs et toute la signification de ces événements. Si Dieu est à l’œuvre, alors nous n’avons pas de plus grande obligation que de nous positionner par rapport à cet événement avec justesse, justice, dignité et reconnaissance, en tant qu’hommes et en tant que chrétiens. Si le miracle historique existe, alors ce qui s’est produit est un vrai et immense miracle de notre époque.

En ce qui concerne les miracles, nous avons l’habitude de les voir uniquement là où un individu, dans son corps, sans médecin et sans médicament, fait l’expérience de la guérison. Et pourtant, les miracles ne sont pas limités aux seuls destins individuels. Les miracles existent dans l’histoire. Il nous faudrait ici apprendre quelque chose des Juifs et du Judaïsme. Les Juifs ont considéré toute leur histoire comme un dialogue avec leur Dieu, comme un miracle en devenir, en continuation et en action. C’est pourquoi la chute du mur de Berlin et de tous les autres murs dans le monde ressemble à un miracle. Les murs idéologiques qui ont divisé l’Europe et le monde entier n’existent plus dans leur forme ancienne. Ces murs n’ont pas été abattus par la force des armes ou par la violence, mais par la prière persévérante et la révolution des cierges, par l’irruption de l’Esprit et de la dimension spirituelle dans le monde, par tant de marches en faveur de la liberté qui étaient plus puissantes que le fil barbelé et les murs de béton. L’Esprit a manifesté sa force et sa puissance, la trompette de l’Esprit et les gémissements de l’esprit après la liberté se sont révélés plus forts que les murs et les prisons dans lesquels se trouvait enfermée la liberté de l’homme. Nous ne nous permettrions jamais de parler avec légèreté de l’implication de Dieu, mais nous avons la possibilité, réelle et tangible, d’y penser dans nos réflexions, car c’est précisément la foi en Dieu qui a donné le ton à ces actions de l’Esprit et à ces nouvelles trompettes de liberté de Jéricho.

Les portes fermées et verrouillées se sont ouvertes, les murs de séparation ont été abattus. Un souffle de liberté s’est manifesté : tout cela sont des processus porteurs de consolation et d’encouragement qui se manifestent dans l’histoire la plus récente, dont Medjugorje fait partie, dont il est, en fait, un vrai contemporain et initiateur. Il ne nous faut pas perdre de vue ces processus : ils restent pour nous un panneau indicateur et le fondement de notre espérance. Nous ne devons pas non plus faire abstraction ni perdre de vue ce qui, dans l’histoire d’Israël, a suivi l’effondrement des murs de Jéricho. La joie et l’enthousiasme, le bonheur et l’exaltation à cause de la prise de la ville se sont transformés en un morne quotidien ; l’enthousiasme a cédé la place aux préoccupations et aux soucis de la vie quotidienne. Pour qu’un peuple subsiste, il ne lui suffit pas de vivre dans un même état ou dans un même pays. L’oubli de Dieu et l’injustice sociale, l’égoïsme débordant et la conception égoïste de la liberté ont poussé le peuple tout entier à la déchéance intérieure et à la décadence morale et spirituelle, au bout desquels nous trouvons un nouvel esclavage et la domination des étrangers et des ennemis du peuple. La déchéance intérieure, morale et éthique conduit à une nouvelle perte de la liberté, dont chaque page du Livre des Juges parle avec clarté. La liberté, y compris celle de l’époque post-communiste, paraît quand même trop exigeante. On ne la reçoit pas servie sur un plat, elle disparaît au moment où l’homme la veut illimitée. En d’autres termes, la chute du marxisme et du communisme n’engendre pas automatiquement des individus libres, ni des états libres, ni une société saine, ni une personne saine. Souvenons-nous de l’image donnée par Jésus : à la place d’un diable expulsé, l’esprit mauvais en trouvera sept, plus mauvais encore, pour revenir dans la maison balayée et nettoyée, mais vide (cf. Mt 12,43-45). Cette image se répète et se confirme en permanence dans l’histoire. Être libéré du joug du communisme ne signifie pas automatiquement avoir trouvé une nouvelle manière de vivre, ni avoir posé sa vie sur de nouvelles bases. La perte d’une idéologie - qui donnait le ton à toute la vie et qui la portait même d’une certaine manière - peut facilement tourner au nihilisme et à l’égoïsme, ce qui correspondrait au retour de sept esprits mauvais pires encore. Or, qui peut nier le fait que le relativisme omniprésent et l’indifférence auxquels nous sommes exposés ne conduisent pas précisément au nihilisme, à la négation de tout ce qui est positif et humain ?

La question décisive se pose donc à nous : avec quels contenus spirituels pourrons-nous combler le vide spirituel créé dans les âmes et sur la scène spirituelle après l’effondrement du marxisme, plus précisément de la meurtrière et terrifiante expérience marxiste ? Sur quelles bases spirituelles sommes-nous capables de construire un nouvel avenir pour réunir l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud de la planète ? Le travail pour établir un diagnostic de notre situation actuelle et des prévisions en vue du développement, des tâches et des possibilités à venir, doit être mené au niveau mondial, car le destin d’une partie de l’humanité dépend aujourd’hui de l’ensemble des relations entre les peuples : les décisions prises au plus haut niveau se répercutent au niveau le plus bas et vice versa. En parlant de ce qui nous est particulier, nous devons penser à ce qui est global, et inversement, en parlant globalement nous devons penser à ce qui est personnel, particulier.

LE DIAGNOSTIQUE DU TEMPS PRESENT

La signature, la principale caractéristique de notre siècle, pourrait être résumée en quelques points : croyance en un développement absolu - le progrès ; surévaluation des capacités de la science, de la technologie et de la civilisation ; messianisme politique incarné dans le nazisme, puis dans le marxisme. Dieu n’y est jamais mentionné, Dieu est remplacé par des objectifs terrestres, et cette négation systématique de son implication dans l’histoire et dans la vie humaine représente un Novum et un élément vraiment dangereux engendré par notre Europe et notre époque. Le bannissement de Dieu des consciences dans les domaines de la littérature contemporaine, de l’art, du cinéma et du théâtre conduit à l’omniprésence d’une image sombre et obscure de l’homme. Tout ce qui autrefois était grand et noble est aujourd’hui remis en question et rabaissé, dans la tentative d’être démasqué. La morale est considérée comme hypocrite, le bonheur comme illusoire, l’adhésion à ce qui est beau et bien comme impossible : le doute est devenu la seule attitude juste. Qui démasque autrui devient héros du jour et récolte le plus de succès dans la vie publique et dans les média. La critique de la société, de la politique et de l’individu est devenue la loi suprême des média, de sorte que dans une telle ambiance mentale il n’y a presque plus de place pour les valeurs, la foi, l’optimisme et l’avenir. La schizophrénie est omniprésente sur le podium du monde qui, d’un côté, voit ses erreurs, et de l’autre, demeure incapable de renoncer à son niveau de vie élevé, du moins en ce qui concerne l’Occident. Ce dédoublement est particulièrement évident dans la prise de position par rapport à deux faits de l’histoire récente : la catastrophe du réacteur atomique de Tchernobyl et l’expansion du virus du SIDA. La catastrophe de Tchernobyl manifeste clairement le danger représenté par l’énergie atomique qui trouve, d’ailleurs, de jour en jour de plus en plus d’opposants. En ce qui concerne la découverte du virus du SIDA, le signal d’alarme a également été donné : il est évident qu’incomparablement plus de personnes seront emportées par le SIDA qu’elles ne l’ont été par la catastrophe de Tchernobyl. Et pourtant, est-il possible d’élever publiquement la voix contre les comportements sexuels de nos contemporains, dont la peste de ce siècle est un fruit ? L’expansion du virus du SIDA est principalement due précisément à la dissolution des mœurs, à l’immoralité et à la débauche. Or, que se passe-t-il ? Quiconque appelle à la retenue et à la discipline dans le comportement sexuel au nom de la morale chrétienne et du Sermon du Christ sur la Montagne, soit-il le Pape en personne, est d’emblée évincé comme obscurantiste et condamné au silence et à l’échec, puisque, aux yeux de nos contemporains, il s’agit là d’une critique interdite de la liberté et du comportement humain. En un mot : une schizophrénie évidente de la pensée et de l’action. Il faut y ajouter le doute méthodique croissant à l’égard de la science. La foi en la science, au progrès et à la technologie commence à défaillir, le scepticisme et l’aversion apparaissent. Or, ces caractéristiques-là, peuvent-elles devenir les bases porteuses d’un avenir positif où l’on devrait bâtir quelque chose de sain, d’intelligent et de constructif ? Le ressentiment et le scepticisme ne peuvent jamais offrir de bases saines. Ce n’est pas avec le ressentiment et le scepticisme que l’on pourra dépasser les idées qui ne se laissent pas vaincre par leur simple négation ou avec une implication partielle, mais uniquement avec une idée plus grande, plus positive, par une adhésion plus grande et meilleure à quelque chose qui donne sens à la vie. Or, la foi est confinée au domaine du privé, ce qui conduit à la destruction des fondations sur lesquelles toute l’Europe et sa culture ont été bâties, et à la mise à l’écart des codes moraux et des traditions morales incorporées à l’âme européenne et à la société européenne. D’un côté donc, la foi est devenue une affaire privée et les convictions éthiques disparaissent ou s’éteignent, de l’autre, simultanément, l’occultisme, la magie et le spiritisme se répandent. Toutes les formes possibles de superstition exercent de plus en plus d’influence sur toutes les couches de la société, apportant ainsi une preuve supplémentaire de la présence ineffaçable et indestructible de la trace de l’Immortel, de Dieu, dans l’homme brisé et cassé.

Nous sommes confrontés à la sécularisation massive et au sécularisme, à l’exode de l’Église, surtout en ce qui concerne les femmes. Nos églises restent vides, mais les formes orientales de méditation trouvent de plus en plus d’adeptes, et la jeunesse est en quête de ce qui pourrait la combler intérieurement et extérieurement, qui pourrait donner un sens à sa vie et à son action. Malgré ces préfixes contraires, les signaux de renaissance de la foi dans les âmes existent, surtout parmi les jeunes. De jeunes mouvements existent dans toute l’Église et partout dans le monde. Ils portent en eux une force formidable de la foi renouvelée, possèdent un sérieux moral et éthique convaincant, ainsi que la disponibilité à engager leurs vies pour les idéaux de l’Évangile. Tout cela est tellement évident à Medjugorje et autour de Medjugorje. De tels mouvements peuvent être un levain fécond capable d’infuser la force vitale et la crédibilité aux valeurs humaines qui donnent leur empreinte à notre espace vital et à notre civilisation. Le fait que de plus en plus de jeunes quittent l’Église ne doit cependant pas nous surprendre : dans l’homme, comme nous l’avons déjà dit, il y a une attente du salut immédiat et inconditionnel. Les gens ont l’impression de ne pas être sauvés, d’être aliénés, ils recherchent le sens et veulent être comblés par quelque chose de sublime. C’est la raison de la présence de formes modernes de gnose et d’ésotérisme, à l’œuvre surtout parmi les jeunes. Nous y rencontrons de multiples formes de succédanés du religieux, souvent des mélanges étranges du rationnel et de l’irrationnel. L’occultisme et la magie sont toujours attractifs, ainsi que les tendances parapsychologiques et les mythologies astrales d’origine cabalistique et autre. Il s’agit là toujours d’une forme de religion qui ne recherche pas le cœur de l’homme, sa foi et sa confiance, mais qui, à l’aide de rituels ou d’effets psychologiques, cherche à pénétrer les couches profondes de l’être humain ; il s’agit également de tentatives pour parvenir aux sensations de détente, de détachement et de libération, il s’agit de l’attente d’un soutien à recevoir de la part des forces mystérieuses cachées qui devraient affermir la personne face à ce qui la menace dans son humanité. On veut dominer la technique de la rédemption ou de l’auto-rédemption et on fait pour cela appel à des rituels religieux extraeuropéens ou archaïques : druides, celtes, chamans, indiens etc. Puisque la scène spirituelle contemporaine est envahie par l’impersonnalisme, comme la pensée philosophique est impersonnalisée, ce qui correspond à cette pensée impersonnelle est une foi, une dévotion impersonnelle, ce qui est le cas, par exemple, des religions asiatiques. Aujourd’hui, cette tendance est évidente même parmi les chrétiens, tendance à la diffusion de la dévotion dans les options personnelles : on célèbre la dévotion cosmique, l’immersion dans la divinité ou les divinités, de sorte que l’on peut parler de la divinité ou des divinités asiatiques et du Dieu chrétien. Dévotion comme une sorte d’immersion, de diffusion, de délivrance, de libération du poids de l’être et de la vie, retour aux étoiles, croyance aux horoscopes et à l’astrologie.

S’il y a un poids particulier qui pèse actuellement très lourdement sur la scène contemporaine mondiale, c’est la drogue. Depuis que l’homme existe, il consomme la drogue d’une manière ou d’une autre, mais jamais autant qu’aujourd’hui. Pourquoi un tel engouement pour la drogue ? Ses origines sont à chercher dans les besoins intérieurs et dans l’imperfection de l’homme, dans le vide de l’âme. L’envie de drogue n’est qu’une expression du cri de l’âme après le bonheur, après le vrai sens de la vie et la vraie réponse à la vie. Avec la drogue, l’homme veut se libérer de la prison de son corps ; la drogue n’est qu’une expression de sa révolte contre l’état des choses actuelles et les faits qui l’entourent. Qui prend la drogue refuse de s’accommoder du monde existant, il recherche un monde meilleur qui procure plus de bonheur. La drogue est le fruit de la déception d’un monde perçu comme prison, puis le fruit d’une quête d’aventure, de non-conformisme. C’est une révolte contre le monde conçu comme prison de l’homme, et la quête d’une nouvelle réalité. Le grand voyage dans les espaces offerts par la jouissance de la drogue n’est qu’une forme pervertie de la mystique, une forme pervertie de l’instinct qui oriente l’homme naturellement vers l’éternité, vers l’infini, vers la vie. C’est une tentative de s’écarter de son être et de sortir de sa peau - considérés comme prison - à l’aide de la chimie. La drogue est une tentative extérieure visible d’anticiper le monde à venir et le bonheur dès ici-bas. C’est logique, puisque ceux qui façonnent l’humanité moderne croient ne jamais pouvoir parvenir au bonheur final ; ils choisissent donc de faire des pas risqués avec la drogue. C’est un chemin totalement faux, car nous savons comment les mystiques, eux, parvenaient à leurs expériences : à travers le renoncement, l’humilité, l’ascèse, les petits pas pour gravir le Mont Carmel, ou pour descendre dans le château de leur âme ou dans les profondeurs de leur cœur. On cherche à éviter ce chemin là en s’emparant de la clé magique de la drogue ; la morale et l’éthique sont ainsi remplacées par la technique et la chimie. La drogue est une pseudo-mystique du monde incapable de croire, qui s’est enfoncée dans une pseudo-religion, expression de l’instinct qui pousse l’âme à retourner au paradis. C’est pourquoi la scène contemporaine, surtout celle de la drogue, est un signal d’alarme révélateur de tout le vide de notre société. Au cœur du désert de cette vie, elle est le cri de l’homme en quête de sa réalisation humaine, immanente à son âme et à son cœur, puisqu’il a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Cette même interprétation ou une interprétation semblable peut être appliquée à la scène terroriste contemporaine et aux mouvements révolutionnaires. Le dégoût de ce qui existe et l’aspiration au changement ne sont qu’une expression extérieure du besoin intérieur de changer l’état des choses. Cependant, tout cela repose sur une prémisse erronée : à travers ce qui est conditionné - on cherche ce qui n’est pas conditionné, à travers ce qui est fini - on cherche l’infini, à travers le terrestre - on cherche ce qui est éternel et céleste. Cette contradiction intérieure de la scène existante manifeste tout le tragique du phénomène que nous affrontons, où la magnifique vocation de l’homme devient l’objet d’un terrible mensonge et d’une supercherie. Car le but ultime n’est pas le paradis sur terre, utopie irréalisable, mais le Royaume de Dieu comme avant-goût de l’éternité, l’Évangile comme norme de la vie et de l’action. Le messianisme politique et le terrorisme zélote - qui ont cherché à se présenter comme une actualisation de l’Évangile lui-même et des exigences révolutionnaires de Jésus, bien que dans les paroles de Jésus il n’est pas possible de trouver un seul point d’appui pour quelque forme de violence que ce soit - sont entre temps en baisse, mais de profondes blessures demeurent dans le psychisme contemporain. L’augmentation de la consommation de la drogue n’est qu’un signe du vide spirituel qui reste à l’homme déçu des promesses et des supercheries idéologiques. La scène cinématographique, télévisuelle et médiatique est envahie par la violence et la haine, les metteurs en scène cherchent par tous les moyens à présenter le monde du crime régi par la loi du plus fort.

LA RÉPONSE QUI VIENT DE LA FOI

Et pourtant, la vie n’est pas un jeu, la loi du plus fort n’y règne pas. La vie est tissée de souffrance et d’amour, de péché et de grâce, de tentations diaboliques, de refus de la tentation et de la victoire sur le tentateur. À Medjugorje, nous sommes en présence d’un appel évident au retour au Dieu de la vie, nous sommes en présence d’un appel à la prière personnelle comme réponse de la liberté humaine à la liberté divine, comme rencontre de deux amours. Medjugorje est une affirmation claire de la personne, de l’individu, face à la tendance à vouloir se fondre dans une unité ou avec un Un cosmique auquel aspire le New Age. Combien même certains prétendent que le théisme est en train de disparaître, nous voyons que la foi ne se perd pas, que la religion ne meurt pas et ne passe pas, mais revêt une forme nouvelle et différente, changeant ainsi son essence intérieure. Dans le christianisme, nous avons la synthèse parfaite, mais pas du tout facile, de la raison, de la volonté et des sentiments. Cette synthèse est hautement subtile, toujours dans une tension intérieure, au point d’être à tout instant en danger de virer dans un sens ou un autre. Cette même tension peut également se trouver en dehors du christianisme. Presque toutes les religions du monde sont conscientes de l’unicité de Dieu, et même le polythéisme comprend clairement que les dieux ne sont pas le pluriel d’un Dieu, car il n’y a pas de Dieu au pluriel. Dieu est un et unique. Les dieux, bien que désignés par le même mot que Dieu, sont toujours des forces d’un niveau inférieur. Il arrive cependant dans les religions que ce Dieu unique disparaisse, qu’il soit éclipsé de la vie pratique, et que les divinités apparaissent sur la scène. Ce Dieu unique n’est pas dangereux, il est la bonté même, il ne fait aucun mal à personne ; aussi les rituels et les cultes ne le concernent pas, lui, mais s’adressent aux divinités et aux puissances qui entourent notre vie et avec lesquelles il faut composer. Il s’agit là de l’apostasie permanente constatée dans l’histoire des religions, présente également aujourd’hui dans notre Europe post-chrétienne. C’est la raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés au péril du néopaganisme. L’homme qui exclut Dieu comme le seul et unique bien, mais lointain, se tourne vers les puissances menues, petites et proches qui l’entourent, se rabaisse ainsi et se crée – selon les paroles d’un Freud athée - des dieux prothétiques. C’est la décomposition du christianisme, de la synthèse chrétienne, c’est la décomposition de Dieu lui-même, qui conduit à la désagrégation et à la décomposition de l’homme. À ce propos, Paul se positionne clairement : « Nous vivons dans la chair, évidemment, mais nous ne combattons pas selon la chair. Non, les armes de notre combat ne sont point charnelles, mais elles ont, au service de Dieu, la puissance de renverser les forteresses. Nous renversons les sophismes et toute puissance altière qui se dresse contre la connaissance de Dieu, et nous faisons toute pensée captive pour l’amener à obéir au Christ. » (2 Co 10,3-5)

Dans la quête de la réponse et du vrai remède, il nous faut commencer par nous-mêmes. Quelles sont les forces dont nous disposons et avec quelles forces pouvons-nous compter à cet instant ? Quelles sont nos tâches, quels sont les dangers qui nous guettent ? Il nous faut d’abord dépasser le nationalisme et la division idéologique. Le communisme nous a laissé en héritage le désert idéologique dans les âmes, le chaos dans l’économie, un poids qui pèse lourdement, et chez nous la guerre en plus. Il faut une volonté commune et ferme de la part de tous pour dépasser la situation actuelle et avancer vers l’avenir.

Il nous faut d’abord chercher les fondements communs. Quel est notre fondement commun, notre base commune ? Nous dirions : notre appartenance au milieu culturel occidental et la base chrétienne dans les fondements de notre réalité. Aujourd’hui, tout est orienté vers l’état de droit et vers la liberté fondée sur le droit. La liberté et le droit ne sont pas deux notions opposées, mais conditionnées l’une par l’autre. Le législateur ne peut proclamer n’importe quoi comme juste, et la justice ne peut tout simplement être déduite des statistiques. Il doit y avoir une prise de conscience de la responsabilité devant l’histoire, devant la dignité de l’homme et devant Dieu. Tout doit reposer sur les fondements que le législateur doit présupposer et non déterminer. Aujourd’hui, ces prémisses sont assez déstabilisées dans la société à cause de la permissivité et de la déchéance morale de la civilisation occidentale. C’est pourquoi il faut jeter un coup d’œil en arrière, pour pouvoir analyser le passé et le présent, et donner des vues prospectives sur le futur.

Dans les années soixante de ce siècle, un grand virage était dans l’air : d’un côté, vers la fin des années soixante, nous avions les mouvements étudiants qui ne peuvent être observés dissociés de l’Église. Ils ont remis en question le progrès social et économique acquis à grand peine, menaçant la société de chaos et d’anarchie. La crise d’autorité a secoué les fondations du système social. Ces mouvements sont issus des changements post-conciliaires à l’intérieur de l’Église même, mais également de la théologie protestante américaine. En 68, on célébrait à Paris sur les barricades l’eucharistie considérée comme fraternisation entre les combattants de la liberté anarchiste et comme signe d’espérance pour le messianisme politique mondial, en train de naître dans la violence et la terreur. Ceci manifeste clairement qu’une caractéristique religieuse, ou plutôt pseudo-religieuse, se trouve à la base de ce mouvement révolutionnaire. Nous pouvons trouver cette même implication théologique dans le terrorisme italien et allemand des années soixante-dix. Il est impossible de comprendre le terrorisme italien si l’on fait abstraction des crises et des ébullitions présentes dans le catholicisme italien post-conciliaire.

Souvenons-nous donc : vers la fin des années cinquante, Jean XXIII a annoncé un projet presque utopique, la convocation d’un Concile œcuménique. L’ouverture et le déroulement du Concile sont devenus l’événement central de la deuxième moitié du XXe siècle. Le Concile a consciemment pris une orientation pastorale qui consiste dans l’ouverture de l’Église au monde, dans l’ouverture des fenêtres et des portes, mais il a délibérément évité les pièges des conciles précédents : il n’a visé ni le dogmatisme ni la proclamation des définitions dogmatiques ou celles de la théologie morale. On a peut-être ressenti le fardeau que représentait la définition du dogme de l’Assomption de Marie proclamé sous le pontificat de Pie XII, pour qui ce dogme devait représenter le couronnement de son pontificat, mais qui a provoqué l’effet inverse : l’intelligence est restée sur sa faim et les fronts interconfessionnaux bloqués.

Le Concile était très dynamique, à l’encontre et malgré les attentes de la Curie romaine. Il s’est ouvert aux questions et aux problèmes du temps et de l’époque, aux problèmes de l’Église, des pays en développement, aux religions non-chrétiennes, aux confessions non-catholiques. Il a entrepris des pas courageux en direction de la réforme de la liturgie et a transmis des impulsions pastorales extraordinaires. Au point culminant du Concile s’opère le changement du pontificat, et les évêques commencent à se lasser : il y avait trop de demandes de changement et de modification des schémas et des propositions conciliaires, seules certaines d’entre elles pouvaient être incluses dans le tissu des documents conciliaires finalement publiés. Mais que s’est-il passé après le Concile ?

Nous dirions, beaucoup d’opacité, de mauvaises compréhensions des décisions conciliaires, un vrai galimatias dans de nombreux domaines de la vie et de l’action. La désertion et l’exode de nombreux prêtres, religieux et autres membres de l’Église. Le pontificat du Pape Paul VI s’est déroulé sous le signe du renouveau et de la progression, mais aussi d’une certaine restauration et du blocage. Le pontificat actuel du Pape Jean-Paul II est marqué par ses innombrables voyages et pèlerinages dans le monde entier, qui ont pour conséquence l’ouverture de l’Église au monde entier, le passage d’une Église statique à une Église dynamique, et donc à la collégialité, plus précisément à la solidarité du Pape de Rome avec le monde entier et avec l’humanité entière. Le Pape actuel dialogue avec toutes les religions, car, selon le Concile, nous trouvons des éléments et des graines de la vérité dans chacune d’entre elles. Ses voyages dans le monde entier sont en même temps un adieu à la conception occidentale du christianisme au profit d’une ouverture universelle et de l’inclusion des cultures latino-américaine, asiatique et noire dans l’Église. Y contribue également une nouvelle conception du pèlerinage qui, du point de vue de l’histoire des dogmes, porte dans ses fondements une nouvelle conception de l’Église : non comme une grandeur statique, mais comme peuple de Dieu en marche, donc non Église comme institution divinement supérieure au monde entier, mais Église comme peuple de Dieu qui, avec le monde entier, est en route vers son but eschatologique. C’est pourquoi le Pape est le signe même de ce cheminement, un point de référence pour tous ceux qui voyagent et viennent en pèlerinage à Medjugorje. Le dépassement de toutes les frontières, le rassemblement de tous en une seule unité. C’est ainsi que se réalise ce que Paul VI a déjà formulé, et ce que Jean-Paul II a repris de tout son cœur, sous le nom de la civilisation de l’amour. Aussi à la culture de la mort omniprésente dans laquelle nous vivons, il faut opposer Jésus Christ et le christianisme vivant comme l’alternative au style de vie contemporain, alternative offerte par la foi en Jésus Christ.

NOUVELLE CONCEPTION DE LA FOI : LA FOI COMME LE FRUIT DE L’EXPÉRIENCE

En même temps que les manifestations des étudiants des années soixante, nous rencontrions dans le domaine religieux des phénomènes singuliers, relevant, dirait-on, presque de la Post-moderne. Les jeunes, enthousiasmés par Jésus, formaient des communautés comme « Jesus People » et créaient des expressions musicales comme le rock-opéra « Jesus Christ Superstar ». En tant que personne, Jésus est sympathique, mais on lui enlève ses attributs divins, on l’arrache à l’Église. Jésus oui – l’Église non, c’est le slogan tant répandu. Le Concile a fait son travail en ce qui concerne un plus grand personnalisme dans l’Église, mais également en ce qui concerne un plus grand personnalisme dans l’acte de foi. Jusqu’au Concile prédominait l’image de l’Église comme Corps mystique du Christ, le Concile a permis la percée de l’idée du Peuple de Dieu, alors que la Constitution dogmatique sur la Parole de Dieu, à savoir sur la Révélation, dit expressément au sujet de la foi : « À Dieu qui révèle est due "l’obéissance de la foi" (Rm 16,26 ; cf. Rm 1,5 ; 2 Co 10,5-6), par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans "un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle" et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait. Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne "à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité". Afin de rendre toujours plus profonde l’intelligence de la révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite. » (Dei Verbum 5)

Si nous comparons ces mots à ce qui a été dit au Premier Concile de Vatican, nous y voyons une différence essentielle. En ces derniers temps, nous sommes témoins d’un retournement dans la conception de la foi. Le problème n’est plus de croire aux dogmes, aux vérités de la foi, et de les accepter dans la vie, mais le problème est l’expérience de la foi. L’élément de l’expérience prédomine dans presque toutes les questions et problématiques religieuses. Les éléments et les moments d’expérience sont devenus presque la condition pour que l’on soit disposé à croire et à donner sa confiance ou son cœur (latin. credo = cor do). C’est devenu comme une règle non écrite : donne-moi ton expérience, montre-moi ton expérience, et je te croirai. Par conséquent, cette question pourrait se résumer à un problème particulièrement actuel aujourd’hui. Jusqu’à présent, la règle fondamentale pour la transmission de la foi était la transmission d’une certaine quantité de savoir, d’informations sur la foi et les contenus religieux. L’information, cependant, aussi complète soit-elle, comporte un déficit. Ce mode de transmission, surtout dans la situation spirituelle contemporaine, perd de plus en plus sa base et son fondement. Il n’y a plus rien à prouver ou à démontrer à nos contemporains, car ils sont mûrs et adultes. Ils ne sont plus dans l’état d’immaturité. Jésus lui-même ne faisait pas les signes et les miracles pour prouver quoi que ce soit, mais pour introduire les gens au mystère de sa personne et de sa mission, ainsi qu’au mystère de la confiance et de la foi.

Il faut donc, et c’est ce qui se fait à Medjugorje, passer du modèle instructif de transmission de la foi au modèle inspiratif, puisque l’Esprit de Dieu est à l’œuvre dans la personne et que la personne s’ouvre à ce que l’Esprit inspire. On peut ici donner l’exemple du théologien Karl Rahner. Vers la fin de sa vie, au seuil de l’éternité, il se plaignait du froid, de l’hiver qui règne dans l’Église, de l’Église froide. Il pensait probablement aux orientations restauratrices dans l’Église, aux fronts théologiques bloqués, à l’essoufflement du mouvement œcuménique, et au manque de résonance du Concile et de la pensée moderne théologique dans le public plus large. Cependant, sous la neige et sous le givre se trouvent les germes d’un nouveau printemps, naît une nouvelle vie et le printemps se réveille progressivement. C’est pourquoi le même Rahner pouvait dire avec raison que le croyant, le chrétien de demain et du prochain millénaire, sera mystique ou ne sera plus. De quel droit Rahner parle-t-il ainsi ? La foi et la prière, la théologie scientifique et la mystique sont toujours inséparables. L’un n’existe pas sans l’autre. Le sens intérieur et la confirmation de cette affirmation procèdent du fait que seule une foi mystiquement approfondie peut accorder à l’homme marqué par les angoisses et les détresses existentielles le sens profond dans la quête de son identité. Ne sommes-nous pas confrontés au syndrome de la réincarnation, qui n’est au fond qu’un fruit de l’échec dans la quête de l’identité ? Dans de telles constellations, nous avons une réponse mystique, plutôt une époque mystique en réponse, comme chemin vers le but personnel. Dans ce cas, le chemin est le but et le but est le chemin.

Au centre de toute mystique se trouve la pensée de Paul que ni la théologie ni la mystique ne peuvent épuiser : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20) Le christianisme de demain ne doit et ne peut rester dans ses propres antichambres, il doit pénétrer au centre de ses possibilités. Plus cela arrive, plus sa figure change, plus il est orienté vers sa forme mystique. Le christianisme devient ainsi une religion d’espérance, de liberté et de paix. Il devient surtout une religion de dépassement des angoisses existentielles, puisque l’homme contemporain est cerné par les angoisses, ligoté dans son énergie vitale, incapable d’accepter sa propre personne et son avenir, et vit le dos tourné à son avenir. L’homme contemporain est incapable de répondre aux sollicitations qui le rendraient capable de supporter les défis du temps présent et de se tourner vers l’avenir avec assurance et confiance. L’existentialiste Karl Jaspers a déjà dit que l’angoisse existentielle, jamais aussi présente qu’à notre époque, était devenue l’effroyable compagnon de l’homme. Sans aucune ambiguïté, l’angoisse est devenue la caractéristique de l’homme moderne, elle est l’acide qui ronge la joie de vivre et décompose la volonté de vivre. C’est pourquoi la foi est son seul vrai contraire et le seul remède, car la foi nous ancre dans la réalité du Dieu présent dans l’histoire, alors que l’angoisse dérobe le sol sous nos pieds. L’homme angoissé est suspendu au-dessus de l’abîme du néant. Une telle peur engendre également l’impossibilité d’une vraie communication entre les hommes, car celui qui vit dans la peur n’est pas capable d’articuler son état et sa détresse. L’homme angoissé n’est pas capable de dire un mot. Le dernier mot, le résumé de tout le kerygme de Jésus dans l’évangile de Jean, contenu dans le discours des adieux, c’est : « Dans le monde vous aurez peur. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde. » (Cf. Jn 16,33)

L’homme contemporain en quête de Dieu a besoin de la foi des témoins et non d’une explication ou d’une argumentation intellectuelle. Il compte davantage sur le témoignage des convaincus que sur l’intelligence des instruits, et la foi ne se transmet pas tellement par le biais de l’intelligence, mais par le témoignage de ceux qui - par leur vie et leur souffrance - lui donnent un nouveau sens et la crédibilité. C’est tout particulièrement évident dans l’ex-bloc communiste, où la foi s’est montrée plus forte que le soi-disant socialisme scientifique, précisément grâce à la souffrance et à l’humilité des victimes, dont les vies manifestent la présence de l’espérance et la promesse de la foi. Cette foi n’est pas une résignation ou un repli, une fuite dans l’irrationnel à cause des dangers de l’intelligence pratique, mais le courage to be, l’audace par rapport à l’existence et l’être, un appel prophétique et un élan vers les espaces auxquels toute la réalité qui nous entoure appelle. Aujourd’hui, et de plus en plus, la raison, la science et la rationalité technique sont pris en aversion, et c’est pourquoi il est extrêmement important de souligner la dimension essentiellement logique de notre foi, afin qu’elle soit logiké latreia (cf. Rm 12,3), le culte raisonnable et l’offrande, la synthèse vitale de tout l’homme, et non le fruit d’un saut irrationnel dans quelque chose d’inconnu. Le mystère en soi n’est pas une irrationalité, mais la profondeur extrême de l’intelligence divine que nous ne pouvons pénétrer par nos yeux humains limités. C’est pourquoi St Jean peut dire : Au commencement était le Logos, l’intelligence créatrice, la force de la connaissance de Dieu qui donne le sens, le commencement de toute chose. C’est à l’homme de découvrir les traces de cette Intelligence divine et de développer et interpréter dans cette direction le sens des choses et de la réalité créée.

LA PASTORALE DÉVELOPPÉE JUSQU’A PRÉSENT ET LE RÔLE THÉRAPEUTIQUE DE MEDJUGORJE

La situation spirituelle contemporaine exige que l’Église réfléchisse à sa pastorale. Si, jusqu’à présent, la pastorale s’était orientée vers la mise au pas des fidèles, son sens est désormais de les rendre capables d’affronter le combat de la vie, car le choix de la vie est en même temps le préambule de la foi. Il s’ensuit la nécessité de la corrélation entre la foi et la prière. L’homme contemporain doit comprendre que les fondements de la foi sont dans la prière, car la prière, comprise dans sa structure interne, accueille le problème de Dieu et y répond au sens plénier du terme. La foi et la prière sont – et Medjugorje l’a prouvé maintes fois – la clé pour une vie plus riche, une vie pleine de compréhension et d’accueil mutuel, de pardon et de communion, de certitude et d’abandon, de paix et de joie. C’est à une telle foi que l’avenir appartient, et c’est seulement vers une telle foi qu’est orienté Medjugorje, avec tout ce qui s’y passe depuis quatorze ans. Une telle foi inclut et accepte la liberté comme le but final de tous les efforts de l’homme, et la paix comme le propos général de tous les efforts humains en ce siècle : la paix non en tant qu’absence de la guerre, mais en tant qu’omniprésence de Dieu lui-même dans sa création.

C’est ainsi que Medjugorje se présente au monde à travers de nouvelles formes de la pastorale personnelle et évangélique. Au jour le jour, Medjugorje nous invite à l’optimisme et à l’audace, malgré l’atmosphère de guerre et toutes sortes de trompettes apocalyptiques, parce que le christianisme est la religion de la Bonne Nouvelle, du message joyeux sur la vocation de l’homme à la liberté, à la vie qui ne connaît aucune peur paralysante.

La scène économique contemporaine est marquée par le règne de la logique du marché, du capital, de l’achat-vente, du produit et du revenu national brut, ce qui entraîne la standardisation, le nivellement, l’aplanissement non seulement de la marchandise, mais également de l’expression spirituelle, ce qui conduit au nivellement des âmes et à l’uniformisation de l’opinion, à la disparition ou à la perte de la liberté du développement personnel. Certains ont pensé pouvoir appliquer le modèle américain ou celui de l’Europe Occidentale au monde communiste ou au Tiers Monde, mais ces tentatives ont, jusqu’à présent, fait banqueroute. L’eurocentrisme est devenu une sorte de mauvaise conscience de l’Europe, ce qui s’est manifesté lors de la célébration du 5e centenaire de la découverte de l’Amérique : à la place de l’unité et du triomphe, nous avions la colère et les regrets, en sorte que l’histoire des découvertes européennes s’est transformée en histoire de ses chutes morales, de ses péchés et de ses échecs. C’est pourquoi, dans une telle atmosphère, la foi n’est pas un chemin facile. Qui la présente ainsi fera naufrage. La foi nous expose aux défis, car elle a une considération plus haute et meilleure de l’homme qu’il ne l’a de lui-même.

Si nous avons commencé cette réflexion par une comparaison biblique, nous voudrions observer l’impact de Medjugorje également dans le contexte biblique, bien que toute comparaison reste boiteuse. L’impact de Medjugorje peut être comparé à l’expansion du christianisme, surtout au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne. L’Empire Romain était rongé de l’intérieur, comme par un cancer de la moelle osseuse. Pour guérir de ce cancer, pour redonner la vie à l’organisme, il faut transplanter la moelle osseuse. Le christianisme était quelque chose comme une nouvelle moelle osseuse, il a apporté la fraîcheur, cette nouvelle moelle, et le monde a repris vie. Les chrétiens ont pris à la lettre l’injonction de Jésus : annoncer et diffuser la Bonne Nouvelle et la guérison ! Souvenons-nous des dernières paroles de l’évangile de Marc sur les signes qui accompagneront l’annonce apostolique. L’homme est toujours le même. Jésus a annoncé en guérissant, il a guéri en annonçant. Les deux sont inséparables. Jésus est maître et prédicateur, guérisseur et thérapeute. Les apôtres le savaient bien, les missionnaires des premiers siècles ont repris le flambeau : tout en annonçant, ils ont offert la santé psychique, spirituelle et physique. L’homme contemporain languit après la santé et le salut, et c’est pourquoi il a besoin d’une religion thérapeutique, d’une annonce thérapeutique de la foi. Car le mot latin salus, le mot grec soteria, le mot allemand Heil, que veulent-ils dire d’autre que d’abord la santé, et seulement après le salut ? Nous le traduisons comme le salut, la rédemption, notions abstraites, alors qu’il s’agissait toujours de l’implication de tout l’être, dans le sens de la guérison totale. Chaque génération, les hommes de tous les temps souhaitent précisément cela. Où trouver le salut et la guérison ? Nous voyons ce qui est offert aujourd’hui sur le marché des idées, de quelle manière l’on cherche à guérir l’homme, quelles sont les nombreuses propositions de divers guérisseurs ou charlatans. La même situation spirituelle était présente au début du christianisme. Le monde recherche la santé et le salut, et – dans cette forêt immense de diverses propositions de santé et du salut – le christianisme, avec sa particularité, dépasse toutes les autres religions et tous les autres cultes. Il réalisait ce qu’il promettait. La victoire était garantie avant même que l’on pose pour elle les fondements théoriques. À la place d’un Esculape ou d’un Asclepe mythique, nous avons Jésus Christ, le vrai médecin, soutien, guide et maître. Le christianisme primitif se définissait comme une religion de guérison, de la vraie thérapie, comme la médecine de l’âme et du corps, et c’est précisément avec lui que commence dans le monde la médecine systématique et le soin des malades, l’un des domaines les plus importants et les plus efficaces de l’action chrétienne. Souvenons-nous ici seulement des versets finaux du Livre de la Révélation où il est dit qu’autour du trône de Dieu se trouvent les arbres de vie qui donnent du fruit tous les mois, douze fois par an, que leurs feuilles servent à la guérison des païens et qu’il n’y aura plus de malédiction. (Ap 22,2) C’est ainsi que se présente Medjugorje dans l’Église et dans le monde contemporains. Y aurait-il une telle affluence, si tant de personnes n’avaient pas fait l’expérience de la guérison et du salut ?

MEDJUGORJE ET L’HISTOIRE DU SALUT

Le contexte historique et théologique de Medjugorje, c’est l’histoire du salut, ce qui n’est pas étonnant ni surprenant dans l’histoire de l’action de Dieu dans le monde et dans sa création. Dieu n’a jamais abandonné l’homme ni l’humanité au désespoir. Lorsque l’homme abandonnait Dieu pour se fier à ses propres forces, ce qui est particulièrement visible dans l’Ancien Testament, il allait régulièrement vers la déchéance et la catastrophe. Israël, et nous aujourd’hui, devons comprendre que ce ne sont pas la puissance économique ou militaire qui font de nous un peuple, mais l’intervention directe de notre Dieu dans notre histoire. Il nous a choisis, il nous a conduits et il nous conduit. Seulement sous la conduite de Dieu il est possible de sauvegarder l’idée pure de Dieu et de mûrir en tant que Peuple de Dieu. L’homme languit après un espace où il pourra souffler, être accueilli, confirmé, il languit après un espace où l’aliénation n’existe pas, où il est chez lui dans la foi et dans la vie. C’est pourquoi il a besoin de l’Église du Dieu incarné, qui est le Dieu de tous les hommes, à l’instar d’un bon hôte. C’est ce que Medjugorje a offert et réalisé dès ses premiers jours.

Si nous considérons rétrospectivement l’histoire de l’Église et du christianisme, nous verrons qu’aux sommets des crises il a toujours eu des signes de changement et de tournant, de retournement, des signes historiques et des signes des temps. Tous les grands réformateurs, restaurateurs de l’Église et de la société, sont apparus au paroxysme des crises. L’apparition de la vie religieuse en Église peut s’expliquer précisément par les états de crise dans l’Église. Les ordres religieux sont une réponse à la crise de la foi. Sur la scène spirituelle nous avons pareillement des phénomènes semblables, des remèdes. Après la réflexion destructrice de Descartes, nous avons le génie de Pascal qui donne de nouveaux paramètres à l’esprit et à la spiritualité européens. Après Kant, Hegel et la philosophie idéaliste, nous avons les existentialistes comme Kierkegaard, et après le nihiliste destructeur qu’était Nietzsche, qui avait déclaré la mort de Dieu, nous trouvons le philosophe russe Soloviev qui affirme que Dieu existe. Quelle que soit la force de la critique de la religion, le miracle du théisme dépasse tous les pièges et tous les problèmes. La critique laisse derrière elle le vide, la frustration et la souffrance, mais au bout du compte, toute critique parle en faveur de ce qu’elle nie : si la religion est niée, la négation même devient le symbole de la nécessité et du besoin de ce qui a été nié. La religion devient une nécessité. L’antichristianisme prononcé est toujours salutaire pour le christianisme, car il met en exergue ses problèmes et sa manière de négliger l’essentiel. Ici aussi nous voyons le rôle thérapeutique de Medjugorje qui apparaît au sommet de la crise de la réflexion occidentale et de la terreur communiste dans le monde entier.

Pour l’homme, dominer signifie servir, sa liberté le relie à la vérité nécessaire intérieure des choses et à l’ouverture à l’amour qui le rend semblable à Dieu. Aussi est-il possible de mettre les événements de Medjugorje et les voyants dans cette catégorie de témoignage fondé sur la raison. Marie, en tant que témoin et prophète, et Dieu qui intervient d’une manière fondamentale dans la vie des personnes qu’il prend à son service. C’est un appel immédiat, psychologiquement inaccessible et inexplicable, et il est impossible de s’y soustraire sans se renier soi-même. Le message de Medjugorje est également prophétique ; Martin Buber dit au sujet du message prophétique que l’esprit prophétique ne raisonne jamais comme l’esprit platonique, à savoir prétendre posséder la vérité générale au-dessus du temps. Il reçoit message après message dans des situations très concrètes, et c’est précisément pour cette raison que sa parole, après tant de millénaires, parle au peuple dans les conditions égales ou différentes de son histoire nationale. Ce message est régulièrement désagréable et angoissant, et une personne devient la voix et le médium de Dieu. Dans notre cas, il s’agit de Marie et de quelques voyants. La relation du prophète à l’avenir n’a rien à voir avec une prédiction. Prophétiser signifie mettre une communauté et l’individu indirectement ou directement devant un choix et une décision. L’avenir n’est pas offert sur la paume de la main comme quelque chose dont on saurait tout, mais il dépend essentiellement de la justesse de la décision, plus précisément de la décision que l’homme prend dans un moment donné, et à laquelle il participe dans un moment historique. Le prophète met les gens toujours devant une alternative, cherche à changer de cap, toute son âme y est impliquée, ses paroles tremblent de peur et d’espérance à cause de la grandeur et de la force de la décision. Le prophète est en général quelqu’un qui accuse, qui n’annonce pas une morale ennuyeuse ou une éthique de comportement, mais l’infaillibilité et l’éternité de la parole et de la loi de Dieu.

L’homme contemporain est confronté aux possibilités terrifiantes du progrès technologique qui lui donnent froid au cœur. Les interventions directes dans le génome humain, l’intervention dans la capacité créatrice même, puis la possibilité de réduire cette terre - par ses propres forces - à une réalité apocalyptique, à cause des excès dans le domaine de l’armement. C’est pourquoi il a besoin de prophètes qui par leurs vies donneront la direction et orienteront vers l’au-delà, vers les réalités d’en-haut, vers la transcendance. L’immanence, les réalités d’ici-bas, sont trop étroites pour l’homme. En contestant l’au-delà, l’homme s’est laissé aller à la glorification de la vie d’ici-bas, cherchant à tout prix à donner des preuves qu’il est vivant. L’avidité et la voracité dans tous les domaines ont atteint leur apogée ; or, à l’apogée ne se trouve pas la satisfaction, mais l’insatiabilité et le dégoût, la dévalorisation de la vie et le rejet de tout ce que l’homme n’aime pas ou n’aime plus. C’est ainsi que l’avortement, l’euthanasie et le suicide ne représentent finalement que des épiphénomènes et le fruit naturel d’une telle conception de la vie, à savoir de la négation du choix fondamental à faire, plus précisément de la responsabilité devant l’éternité et devant l’espérance éternelle. L’avidité finit dans le dégoût ; à la fin, l’homme lui-même devient un déchet : nous en trouvons des preuves dans la littérature contemporaine et dans l’omniprésente culture de la mort qui a remplacé la culture de la vie et de l’amour.

Il est tout à fait possible d’enfouir ou de falsifier la profondeur du message divin dans l’homme, mais il jaillira toujours à nouveau à la surface et se frayera le chemin dans son âme. C’est pourquoi nous constatons l’omniprésent appel à la concentration, à la méditation, à la contemplation, au sacré, au contact avec Dieu. C’est un appel inéluctable à une époque où la conception de la vie – dont la drogue, la violence, le terrorisme et la révolution ne sont que des formes extérieures d’expression – est réduite uniquement au monde des faits et du visible, où l’intelligence est réduite à ce qui est mesurable et quantifiable, et non élargie à ce qui est qualifiable et valable. Pour que l’homme soit un homme, il a besoin de la morale et de l’éthique, et pour avoir une éthique, il a besoin d’un Créateur, de la foi en l’immortalité et en Dieu. Aussi, la bonne nouvelle de Medjugorje et du christianisme consiste précisément dans la responsabilité devant Dieu, devant soi, devant le monde et devant l’histoire. Medjugorje est un vrai défi et un appel au sens plénier du terme. Le but de l’histoire n’est ni l’évolution ni le progrès, mais la conversion. Si presque toute l’époque post-hégelienne s’était enthousiasmée par l’idée de la montée permanente et du progrès permanent, de la marche vers un lendemain meilleur, alors c’est aujourd’hui que nous cueillons les fruits amers de ce processus. La Bible parle de la conversion et non de l’évolution. Medjugorje repose précisément sur cette idée. Toutes les pseudo-religions, la technique et la science, se sont retournées contre l’homme. C’est pourquoi c’est une terrible erreur de concevoir l’homme comme un être de progrès et de croissance. En tant que personne, il est déjà défini dans la Bible comme un être écartelé entre le Bien et le Mal. Ce ne sont pas le progrès ou la science qui lui donnent l’assurance, mais son choix pour ou contre Dieu. C’est pourquoi on parle tellement de l’humain, menacé de tous côtés. Après une confiance infinie en la raison, nous abordons l’époque de l’irrationnel. C’est pourquoi, face à la crise actuelle de la raison, le salut ne peut se trouver que dans la conversion au mystère qui sauve la raison. Le mystère n’est pas contre la raison, mais s’oriente vers le sens de l’être et la survie de l’univers par la force d’une Intelligence.

Après la chute du socialisme et du communisme, puis après les frustrations produites par l’homo faber, l’homo technicus et ses découvertes technologiques, de nombreuses raisons parlent en faveur de la foi et du retournement vers le Dieu de l’Écriture. Medjugorje, la ville sur le mont, le lieu entre les monts, en est un signe visible. Aujourd’hui, chacun doit faire face au fait que les réalités spirituelles ne sont pas accessibles aux moyens ou aux promesses matériels, qu’il est impossible de parvenir au sens, au bonheur, à la sérénité, à la santé, à la force de la conviction et de la vie par le biais du bien-être ou du progrès matériel ou économique, mais uniquement par l’acceptation de soi en tant que réalité et donnée spirituelles. Le sens du spirituel se réveille progressivement dans nos contemporains ; de nouveaux horizons et de nouveaux espaces s’ouvrent, malgré les appels séducteurs du New Age. Malgré tant de progrès dans le domaine de la technique et la technologie, de la physique et de la chimie, malgré tant de découvertes dans tous les domaines du micro et du macrocosme, de la micro et de l’astrophysique, de la biologie – en ce qui concerne la structure de l’atome et de l’organisme, la science et même la philosophie contemporaine restent impuissantes et sans position claire en ce qui concerne l’être et le sens. Les philosophes Adorno et Horkheimer ont depuis longtemps parlé de l’autodestruction causée par le Siècle des Lumières : elle se produit là où les Lumières ont été élevées au niveau d’un absolu, où uniquement les comptes, les prévisions, le calcul sont pris en compte, où l’on nie la transcendance et l’au-delà du réel. En d’autres termes : une société bâtie sur l’agnosticisme et le matérialisme ne peut survivre à long terme. La déchéance de la morale et de toutes les valeurs en sont les conséquences. Même la philosophie du sens, la logothérapie d’un Viktor Frankl, qui donne des conseils à ceux qui ont perdu tout lien avec la religion et l’Église, ne peut aider ceux qui sont encore dans l’Église et se trouvent devant de grands points d’interrogation. Le premier devoir, c’est la guérison de la morale et l’acceptation des valeurs morales dans la société. L’homme n’a pas la permission de dépasser les limites impunément. L’homme est libre lorsqu’il reconnaît la loi de la liberté comme une sphère qui le détermine. D’une part, nous sommes confrontés à un souci presque pathologique de la santé physique, de l’intégrité physique, de l’écologie, alors que de l’autre règne l’insensibilité générale à l’intégrité morale ; il s’agit en fait de la négation de l’homme en tant qu’homme, de la négation de la liberté et de la dignité de l’homme. Aussi, la question de la révélation et du langage de Dieu dans l’histoire et dans le monde contemporain s’impose de nouveau, et ici Medjugorje est une borne incontournable. Sans Dieu, l’homme n’est qu’une petite roue, un petit élément de l’histoire humaine ; c’est pourquoi Medjugorje nous oblige à retourner aux sources de notre foi, à savoir à la révélation, dont le sommet, le but et le sens est Jésus Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, en qui se cache le mystère de Dieu lui-même. Il est la Parole qui contient tous les trésors de la sagesse et de la science (cf. Col 2,3) et en tant que tel, il révèle le mystère de Dieu lui-même et perce le silence dans lequel Dieu s’enveloppe apparemment.

Si, jusqu’à présent, la scène spirituelle dans le libéralisme occidental et dans le communisme marxiste déniait à la religion tout droit et toute capacité à s’impliquer dans la société, dans les affaires publiques et dans l’avenir commun de l’humanité, nous rencontrons aujourd’hui une tendance différente. Les ébullitions venant de toute part indiquent clairement que la religion - et son expression subjective dans la foi personnelle, au plan personnel et social - est une force qui ne peut être déracinée ni effacée de la conscience humaine, et que le monde ne peut renoncer à sa contribution au développement de l’humanité. Il est impossible de former l’avenir sans la foi. Cependant, il faut éviter tous les pièges des siècles passés et toutes sortes d’appropriation de la foi dans des buts politiques. Le rôle premier de la foi, c’est le souci de l’homme : ici, l’Église est appelée à agir, non par la force de sa puissance mais par la puissance de l’Esprit, non par l’institution mais par le témoignage, non par le droit mais par l’amour, la vie et la souffrance. Elle est appelée à préparer dans les cœurs l’espace pour Dieu qui vient, pour aider ainsi la société à retrouver son identité. L’histoire n’est qu’un grand combat entre la foi et l’incroyance, entre le Bien et le Mal, et nous sommes aujourd’hui les témoins d’un grand drame mondial, où nous ne devons pas hésiter, mais nous opposer à la toute-puissance de la résignation, de l’indifférence, du fatalisme et du désespoir, par la force de la foi, de l’espérance et de l’amour. Rendre les gens capables d’amour, c’est l’impératif du moment. S’opposer à l’opinion publique et aux pouvoirs, comme Jésus devant Pilate, comme le Pape actuel face aux puissants de ce monde. Jésus n’avait pas peur de la croix, alors que le croyant contemporain a même peur de penser à la souffrance et au martyre. Tout le monde, surtout les dignitaires de l’Église, ont peur pour leur image, même s’il ne s’agit que d’un misérable commentaire dans un quotidien, écrit aujourd’hui et oublié le lendemain. Il faut être prêt à prendre des risques et avoir le courage de suivre l’appel de Jésus. A son école à Medjugorje, Marie nous apprend cela au jour le jour.

EN GUISE DE CONCLUSION

Dans toutes ses apparitions, Marie se présente comme une mère pleine d’attention. Chacun peut la comprendre, car son choix repose sur les petits et les pauvres, les bien-aimés de Dieu. Elle est toujours pleine de compassion, elle intercède pour les petits, elle leur donne son cœur et sa voix ; les méprisés et les dévalorisées, les marginalisés de la vie et de la société peuvent trouver chez elle un abri. Elle n’apparaît pas dans les châteaux ni dans les palais épiscopaux, mais dans les montagnes, dans les villages, dans les lieux inaccessibles, et ces partenaires sont les petits et les insignifiants, les bergers.

C’est comme si elle voulait dire : c’est aux petits que revient le devoir d’évangéliser le monde, le clergé, la hiérarchie, les évêques, les prêtres. Ce sont ces processus merveilleux qui se produisent dans presque toutes les apparitions. Il arrive souvent que même les théologiens et les chercheurs expérimentés aillent vers les voyants pour demander un conseil pour leur vie spirituelle. Les petits et les insignifiants deviennent des évangélisateurs. Dans l’histoire de l’Église, les adultes ont même eu recours aux armes comme moyens d’évangélisation (souvenons-nous seulement des pages peu glorieuses de l’évangélisation de l’Amérique Latine), alors que les petits deviennent des évangélisateurs authentiques par la force de leur parole, de leur personne et de leur vie. Ici se réalise la parole de Jésus au sujet des petits et des enfants comme paradigme de son royaume. Si aujourd’hui l’Église se tourne vers les pauvres, si notre ordre franciscain a pris pour priorité l’option des pauvres – car il existe en eux un puissant potentiel d’évangélisation – alors nous pouvons librement dire qu’il est précisément aujourd’hui d’actualité d’apprendre des petits la manière d’être évangélisé et d’évangéliser, et la manière d’aller du centre vers la périphérie. Marie se manifeste en tant que celle qui aime, attentive à tous, prompte à aider et à participer à l’œuvre de la rédemption, comme une Mère pleine de miséricorde. C’est auprès de Marie que se trouve le lieu où l’on entend les gémissements et les soupirs, où l’on console la détresse et la misère, où l’on essuie les larmes et l’on guérit les douleurs.

Le monde ordinaire, les laïcs chrétiens, ne sont plus l’objet de l’évangélisation auquel on impose des pensées et des idées d’en-haut. Les laïcs chrétiens sont devenus les sujets de l’évangélisation, sujets qui reçoivent les inspirations directement par la force de l’Esprit Saint, devenant ainsi porteurs de la Bonne Nouvelle dans le monde. Des sommets jusqu’aux plus petits dans le peuple de Dieu, tous doivent se tourner vers les besoins du monde, surtout des plus petits. Ce n’est qu’ainsi que l’évangélisation deviendra crédible. L’évangélisation n’est pas au service du renforcement des positions de la hiérarchie, mais de la naissance de nouvelles communautés de croyants. C’est l’effet des apparitions de Medjugorje. Partout naissent des communautés vivantes qui vivent dans l’esprit des messages et de l’option mariale, en faveur des plus petits, des pauvres. L’appel de Marie est adressé à tous, et tout le monde doit se mettre, comme Abraham, en route vers l’inconnu, vers les domaines inconnus et non explorés de la foi, guidé par l’appel de Dieu à la liberté.

L’effet des apparitions de Medjugorje n’est pas mesurable. Ce que la raison critique et la philosophie ont détruit, ce que la théologie catholique a grandement négligé, ce que n’osent pas faire les pasteurs de l’Église, l’Esprit de Dieu tente de le faire à travers les apparitions de Marie et ses messages au monde. Il s’agit de la conversion et de la vivification de l’organisme de l’Église, en léthargie dans de nombreuses personnes. Les petits comprennent le langage de la Gospa et l’accueillent. Au cœur du désespoir, l’espérance revient, Dieu est avec son peuple. La foi biblique et les expériences bibliques redeviennent présentes et vivantes. Medjugorje est une relecture de la Bible, Dieu se manifeste comme celui qui guide et qui libère, comme la force du lendemain. Quant à la théologie de la libération, nous en avons fait l’expérience la plus forte à travers Medjugorje. Il en va de même de la théologie du Peuple de Dieu, en tant que porteur du renouveau et de la réalisation du plan de Dieu dans l’histoire. Nous en avons fait l’expérience.

L’œuvre divine du renouveau du monde se fait avec l’aide de Marie. À travers ses apparitions et son intercession, les gens guérissent, la liberté se laisse entrevoir et naît. Le peuple devient conscient de lui-même et ressuscite. Marie devient le symbole créatif pour tout un peuple. Dans ses apparitions, elle rend aux lieux et aux peuples leur dignité originelle, elle se manifeste comme la gardienne de l’héritage reçu et le signe originel de l’inculturation authentique. Elle est en même temps la manifestation du visage maternel de notre Dieu. Là où elle apparaît, l’œuvre créatrice de Dieu dans l’histoire se manifeste. C’est ce qui est écrit au début de l’évangile de Luc et au début des Actes des Apôtres. Là où l’Esprit descend sur Marie, il laisse derrière lui une forme parfaite, dans un cas celle de Jésus Christ, dans l’autre celle de l’Église comme la parfaite œuvre d’art de notre Dieu, comme la réalisation de l’utopie sociale dont Jésus a rêvé, comme un espace de paix, de liberté et d’amour. Ce sont ces vérités existentielles fondamentales dont le monde vit et qui peuvent lui donner le sens et l’avenir. Ici, Medjugorje est un panneau indicateur pour toute une époque au seuil du nouveau millénaire.

Dr. P. Tomislav Pervan, ofm, 1995

Dr. P. Tomislav Pervan, ofm est né le 8 novembre 1946 à Čitluk. Ordonné prêtre en 1969, il obtient un doctorat en théologie néotestamentaire en 1976. Il est nommé assistant du maître des novices de la Province franciscaine d’Herzégovine, puis curé de la paroisse de Medjugorje, où il demeure de 1982 à 1988. En 1990, il est nommé vicaire provincial et, en 1994, provincial de la Province franciscaine d’Herzégovine.